La question est légitime : comment définit-on une boulette?

Le Larousse en donne une assez large : petite masse molle, de forme arrondie, généralement pétrie à la main : comme par exemple une boulette de mie de pain. En matière culinaire il est important d’apporter quelques précisions et je vais tenter ici d’apporter une définition. Elle n’est ni académique, ni unique. Comme pour les recettes dites traditionnelles pour lesquelles on trouve autant de versions que d’individus, chacun étant certain de détenir la vérité, celle que l’on se transmet de génération en génération, celle qui fait foi, au risque de déclencher débats et polémiques(met-on de l’orange dans la marinade du bourguignon?  Faut-il de la tomate dans le cassoulet?).
L’état du monde n’a pas besoins de nouvelles tensions et il ne fait aucun doute qu’une des caractéristiques de la boulette est son pacifisme : l’histoire le démontre, la boulette rapproche plutôt qu’elle ne divise. Alors voici la définition que je propose et dont vous trouverez la justification plus bas.

« La boulette est une préparation culinaire composée d’un mélange de plusieurs ingrédients hachés,  amalgamés puis pétris à la main d’une forme arrondie et en volume pouvant être de taille variable. Elle peut être salée ou sucrée, consommée crue ou cuite.
On peut réaliser des boulettes avec à peu près tout. Cependant il existe plusieurs recettes emblématiques et liées à des territoires : citons par exemple les Arancini de Sicile, les Boulets de Liège, les Falafels du liban ou d’Israel. les Zongzis chinois, les Tsukune japonais, Les panelets catalans, les Köttbullar suédois… »

Revenons sur ce qui a conduit sur cette définition assez large mais excluant de facto certaines préparations.

Abordons d’abord le premier élément : la forme.

Étymologiquement, « boulette » vient de « boule ». Elle est donc généralement de forme ronde, mais c’est rarement une sphère parfaite. Elle est même parfois très grossièrement arrondie et avouons qu’il lui suffit d’avoir quelques rondeurs et un peu de volume pour prétendre à cette appellation. Le volume est important : une boulette que l’on aura aplatie perd son statut et devient une galette. A partir de quelle épaisseur est-ce la cas? Chacun peut juger. Certains falafels sont plutôts plats, façonnés en forme de galets, or il ne viendrait à personne l’idée de ne pas les qualifier de boulettes. Parfois il suffit à même à une boulette d’avoir du volume pour être qualifié ainsi : les coxihnos brésiliens ressemblent à des pilons de poulets, les Zongzi chinois sont cuits dans une feuille de bamboo en forme de pyramide, les Arancini al burro sont des cones à base ronde : tous sont qualifiés de boulettes sans que quiconque s’en offusque.

La longueur est un critère discriminant : une boulette n’est pas un long cylindre et sa forme n’est pas celle d’une saucisse, soyons clairs sur ce point. Certaines croquettes, si elles sont de long cylindres ne sont plus tout à fait des boulettes. Profitons de cette digression sur la saucisse pour aborder aussi la question de l’enveloppe : une boulette n’en a pas besoin et elle se tient indéniablement toute seule.

Une boulette n’est donc jamais enfermée dans une peau  ou une pâte. Prenons du hachis de porc, malaxons le : c’est une boulette. Mettons la dans du boyau : ça devient une saucisse. Mélangeons du boeuf et du veau haché, des herbes, parfois de l’oeuf. Roulons le tout en forme de petite boule : c’est une boulette. Mettons le entre 2 carrés de pâte cela devient un ravioli. On pourrait étendre cela au nem ou aux samosas ou aux baos. Le statut de la la boulette est donc fragile, comme l’eau devient gaz ou glace en fonction de la température. Les Zongzi chinois – encore eux – cuisent dans une feuille de bambou ou de lotus mais on n’en déguste que l’intérieur, enlevant l’enveloppe qui aurait pu les faire passer pour autre chose que ce qu’ils sont : des boulettes. Il y a quelques exceptions dont on peut accepter qu’elles restent boulettes : celles dont l’enveloppe ne les recouvre pas totalement, laissant apparaître la boulette. Certains seront peut-être moins tolérants mais en ce qui me concerne, il ne fait aucun doute que rentrent dans cette catégorie « les petits farcis niçois, certaines bouchées et autres dim sums asiatiques ou les mantis arméniens cuits dans un petit « canoé » de pâte laissant clairement apparaître la viande (contrairement aux mantis russes qui, fermés, sont indéniablement des raviolis)

Contrairement à la forme, la taille n’a aucune influence. La boulette est souvent de la taille d’une balle de ping-pong, ingérable en une ou 2 bouchées. Mais elle peut être petite (un bille) ou grosse (un boulet belge par exemple), du moment qu’elle montre ses rondeurs. La taille donc importe peu.

Quid des ingrédients qui la composent? 

Une boulette peut être crue ou cuite, sucrée, salée, faite de viande, de poissons, de légumes, d’herbes de farine et d’une multitudes d’ingrédients qu’on ne va pas tous citer ici. En fait à peu près tout peut rentrer dans la composition d’une boulette, c’est d’ailleurs ce qui explique son universalité : chaque région a élaboré ses boulette avec les ingrédients qui y étaient disponibles : l’aubergine dans les pouilles, la morue aux Antilles (les acras), la chair de crabe dans le Maryland (les crabcakes), le dahl à l’île Maurice pour faire les Gâtos Pimans, etc.

La boulette se dit Albondiga en espagne, polpette en italie, kefta au maghreb. En anglais la boulette se traduit par Meatball ce qui est très restrictif quant à sa composition (meat = viande). On y utilise également le terme « dumpling » dont le sens est plus large mais inclus également raviolis et autres préparations à base de pâte.

L’important ce n’est pas les ingrédients mais leur texture.

Là encore une chose est certaine : au moins une partie d’entre eux est mixée, hachée, ou concassée puis malaxés et pétri pour fomer une boulette. Une boulette est de surcroît généralement composée d’au moins deux ingrédients différents. De la mie de pain seule, pétrie à la main comme le dit le Larrouse est un peu juste pour s’arroger le titre de boulette (au sens culinaire du terme). En revanche, cette même mie trempée dans du lait, ajoutée à de l’œuf, de l’oignon, de la farine, et du persil, amalgamée et cuite au beurre, permet d’obtenir une SemelKnödel célèbre en Allemagne et en Autriche.

Dernier point qui a, à mon sens, son importance  : la boulette est dense, parfois aérée mais pas trop. Une chouquette ou une pomme dauphine, de mon point de vue, n’est pas une boulette. Je ne saurais vraiment dire pourquoi et cela est sans doute totalement injuste, mais j’assume cette position sans honte : la boulette doit faire son poids.

Jean-Noël ESCOFFIER

CBO (Chief Boulette Officer @Olaboulette)